Le Règlement de l’UE sur la déforestation (EUDR) met le secteur suisse du chocolat face à de grandes incertitudes

L’industrie chocolatière suisse fait face à un défi de taille : le Règlement de l’UE sur la déforestation (EUDR), qui devra être appliqué à partir du 1er janvier 2025, requiert d’attester in extenso que notamment le chocolat et le cacao mis sur le marché de l’UE ne contribue pas à la déforestation. Bien que la Suisse ne soit pas membre de l’Union européenne, ce règlement affecte directement notre secteur : nos entreprises membres ont exporté environ 70'000 tonnes de chocolat suisse dans l’UE en 2023, activité pour laquelle elles seront désormais tenues de respecter de strictes exigences quant à leurs chaînes d’approvisionnement. Notre branche travaille intensément à la mise en œuvre du règlement, mais il subsiste des obstacles majeurs auxquels il faut rapidement trouver une solution. En effet, à l’heure actuelle les fabricants suisses de chocolat ne savent toujours pas si et comment ils pourront continuer d’exporter du chocolat vers l’UE à partir du 1er janvier 2025.

Les attentes de l’industrie suisse du chocolat

  1. Un accès illimité au système d’information de l’UE
    Les fabricants suisses de chocolat ont besoin d’un accès illimité au système d’information de l’UE. En effet, le principal problème pour eux est qu’ils n’auront probablement qu’un accès limité au système d’information de l’UE par lequel les justificatifs devront être transmis, ce qui constitue un désavantage direct par rapport aux concurrents européens et met en danger la compétitivité de nos entreprises dans l’UE. De plus, les entreprises suisses ne peuvent pas continuer d’utiliser sur leurs produits les déclarations déjà existantes pour le cacao exempt de déforestation, mais sont contraintes de refaire tout le processus d’examen préalable.

  2. Des processus de diligence – à armes égales
    Selon l’EUDR, seuls les acteurs du marché européen peuvent effectuer ce que l’on appelle la diligence requise (due diligence) – soit l’examen et la vérification de la durabilité. Pour les entreprises suisses, cela signifie que leurs acheteurs dans l’UE devront prendre en charge cette étape supplémentaire, accroissant considérablement la charge de travail de ces derniers. Ceci pourrait avoir pour conséquence que les fabricants européens, pour lesquels l’acheteur n’a pas à effectuer de vérification préalable, soient favorisées par rapport aux fabricants suisses. Nous requérons donc que les entreprises suisses puissent effectuer elles-mêmes les processus de diligence afin de pouvoir exporter sans heurt.

  3. Une réglementation transitoire pour les matières premières dans les entrepôts suisses
    L’absence de réglementation transitoire pour les matières premières importées en Suisse avant la date d’entrée en application du règlement s’avère être particulièrement problématique. Alors que les matières premières importées dans l’UE jusqu’au 31 décembre 2024 peuvent encore être utilisées sans justificatif, cette règle ne s’applique pas aux matières premières importées en Suisse. Cette disposition concerne notamment les matières premières à longue durée de conservation, tels que le cacao, stockées dans des ports francs suisses ou européens et pour lesquelles il sera impossible de fournir de justificatifs a posteriori. Si cette période transitoire ne s’applique pas aussi aux entreprises suisses, les produits fabriqués avant la date d’entrée en application du règlement ne pourront plus être vendus dans l’UE et les stocks existants devront être jetés – une absurdité écologique et économique.

  4. Prolongation du délai de mise en œuvre
    La mise en œuvre du EUDR est extrêmement complexe et nécessite d’importantes adaptations techniques dans les chaînes d’approvisionnement ainsi que dans l’infrastructure informatique. La création d’interfaces entre les fournisseurs, les clients et le système d’information de l’UE requiert temps et ressources financières. Or, les entreprises n’auront accès au système d’information de l’UE qu’en décembre 2024. Cela ne leur laisse que quelques jours pour la mise en place, les tests et l’utilisation des nouveaux processus. Le délai de mise en œuvre imparti, trop court, est irréaliste. Nous plaidons donc pour qu’il soit reporté d’un an, pour autant que toutes les questions en suspens soient résolues d’ici fin 2024.

Travailler ensemble pour un avenir durable

Consciente de ses responsabilités aussi bien que de l’importance de disposer de chaînes d’approvisionnement durables, l’industrie chocolatière suisse agit en conséquence. Une réglementation ne tenant pas compte des réalités entrepreneuriales met inutilement en péril la compétitivité des fabricants de chocolat. C’est pourquoi CHOCOSUISSE requiert, avec ses associations partenaires en Europe, la prompte élucidation des questions en suspens ainsi qu’une prolongation du délai de mise en œuvre. À une époque de disette cacaoyère, il ne saurait en aucun cas arriver que du chocolat ou du cacao doivent finir à la poubelle parce qu’il n’aura pas pu être mis sur le marché en raison d’une réglementation immature.

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